Le grimoire d'Alegria...

Eleanora poussa un grand cri. Le front en sueur, elle se leva de ses couvertures tièdes et moites. Chaque soir, c'est la même ritournelle. Ces yeux blancs et vides qui l'accusent. Ces morts qui la retiennent et qui la poursuive. Ce visage familier et hanté. Puis, le vide... rien que le vide. Quand pourra-t-elle s'endormir sans craindre ses cauchemars ? Eleanora s'approcha du baquet et jeta un peu d'eau glacée sur son visage. "Que ça fait du bien ! pensa-t-elle. Dommage qu'un peu d'eau ne peut effacer ses fautes."
Le jeune fille était forte et agile. Une longue natte de cheveux noirs tombait le long de son dos telle une cascade. Et, malgré son corps vigoureux, elle était sensible au fond d'elle. Mais elle ne le montrait jamais. El (surnom de Eleanora) s'avança vers le balcon et s'appuya sur la balustrade. Elle regarda le ciel étoilé doux et paisible. Quand soudain, ses sens aguerris repéra un ombre furtive à sa droite. La jeune fille se retourna violemment et vit un petit chaton l'aborder. Celui-ci était blanc, tigré noir.
-"Salut, mon petit. Tu n'as pas honte de me faire peur, murmura El, tout en le caressant.
Le petit animal miaula doucement et Eleanora sourit :
- Je vois que non ! Tu as de la chance, tu sais. Tu es libre, toi ! Tu vas où tu veux sans te soucier du lendemain. Bon, je vais te laisser, prince de la nuit, termina-t-elle en baillant."
Et, elle retourna dans son lit pour un sommeil sans rêve.

Le lendemain, Eleanora se réveilla de bonne heure. Elle sentit une boule chaude et douce dans son cou. Elle se retourna doucement et vit un petit chaton familier. El sourit de plaisir : il est si mignon ! La petite bête avait son museau toute aussi petit entre ses pattes. Il avait l’air d’être bien là dans son lit. Elle le laissa sur l’oreiller chaud et alla déjeuner. La jeune fille prit un bol qu’elle remplit de lait et une tranche de pain aux céréales. Il lui fallait absolument trouver du boulot ou, bientôt, elle se retrouverait à la rue. Eleanora décida donc de se mettre en quête dès ce matin.

Cette neige aveuglante, tu la foulée avec moi. Tu as dévalé la pente. Tu m’as éclaboussée de neige. Tu as ris de ton rire cristallin et tu m’as regardée. Tes yeux, si bleus, si doux... Et, tes cheveux tombant sur tes épaules en cascade tel un torrent en folie. Je me souviens de tes gestes affectueux le matin, de ta voix tendre pour me réveiller. Mais tu es partie... Je me sens coupable, tu sais. Comment cela a-t-il pu arriver ? Et pourquoi, j’ai fui ? Pourquoi ? Je me sens vide... Aujourd’hui, tu es partie...

Je ne voyait plus que le cercueil s’enfonçant dans la terre et plus rien n’existe autour de moi.
Aujourd’hui, tu es partie... ma sœur !